Heidi Larson enquête depuis dix ans sur la confiance à l’égard des vaccins. Elle et son équipe de la London School of Hygiene & Tropical Medicine pensaient que la pandémie aurait tendance à réduire le scepticisme de la population. Or c’est le contraire qui s’est produit, explique-t-elle au Standaard Weekblad. Si elle n’est pas encore en mesure de dire si la part de population antivax a crû, elle observe que des messages antivaccins apparaissent sur des plateformes qui en étaient jusque-là exemptes.

“Il se peut que les voix contraires fassent simplement plus de bruit que les autres, écrit le magazine. Mais on sait qu’en mars 5 % des Britanniques déclaraient qu’ils refuseraient un vaccin contre le Covid-19, contre 15 % en septembre”, et la même tendance s’observe en Belgique. Surprenant, estime l’hebdomadaire du quotidien belge De Standaard, qui y consacre sa une.

Antimasques et antivaccins

De Standaard Weekblad donne la parole à des chercheurs, des scientifiques, mais aussi à Kris Gaublomme, médecin généraliste et homéopathe qui est devenu très sceptique vis-à-vis des vaccins au cours de sa carrière et n’administre plus que celui contre la polio, qui est obligatoire. À titre personnel, il n’est pas sûr que le futur vaccin soit bien utile au vu des mutations du Sars-CoV-2. Et il estime, plus généralement, que l’attitude des autorités et de la communauté scientifique à l’égard de la vaccination tient du “dogme qui ne tolère pas de contradiction”.

Soit. Mais ce qui est troublant, observe le journal, c’est que les personnes sceptiques à l’égard des vaccins parce qu’adeptes des médecines naturelles, comme le Dr Gaublomme, se retrouvent désormais dans le même camp – voire dans les mêmes manifestations – que “des citoyens inquiets pour leurs libertés fondamentales, à des degrés divers, allant jusqu’à des complotistes qui vous assurent que l’on s’apprête à nous injecter de force le vaccin anti-Covid, lequel contient des nanotechnologies qui permettront à Bill Gates de suivre nos faits et gestes et donc de contrôler le monde”.

Cette proximité entre antivax et “antimesures sanitaires” est, selon le vaccinologue Pierre Van Damme, “la grande nouveauté” de la vague de scepticisme actuelle. Or, “si le scepticisme à l’égard des vaccins emboîte le pas à la pensée complotiste, ça devient très difficile de dialoguer”.

Trois leviers

De Standaard Weekblad rassemble cependant plusieurs leviers pour ouvrir le débat. La question centrale est celle de la confiance. “Je comprends le raisonnement, dit une autre vaccinologue. Il y a beaucoup d’argent qui circule dans l’industrie pharmaceutique, c’est un lobby puissant, personne ne peut dire le contraire.” Pour autant, les entreprises pharmaceutiques sont un maillon nécessaire, assure-t-elle, et les chercheurs universitaires qui travaillent en partenariat avec elles ne reçoivent pas directement d’argent de leur part.

Le journal observe aussi que les médecins généralistes ne sont pas toujours à l’aise pour répondre aux interrogations de leurs patients sur le sujet.

Sans oublier le rôle des émotions dans ce débat. Elles sont très présentes dans la communication des antivax, souligne la journaliste, notamment lorsqu’on évoque les possibles effets secondaires des vaccins. “Parfois, je me dis que nous devrions aussi nous autoriser à aller davantage sur le terrain des émotions, dit une médecin qui travaille pour l’agence flamande de santé publique. Car si nous cessons de vacciner, ou si nous baissons le niveau de vaccination, nous allons perdre énormément d’enfants.”